Bouddhisme et Physique quantique -
Christian Thomas Kohl
Les fondements métaphysiques de la physique
quantique Remarque préalable. Il ne s'agit
pas d'un exposé ou d'une critique de la
physique quantique, mais plutôt d'une
discussion des tournures d'esprit métaphysique,
qui sont à la base de la physique quantique.
Le concept de réalité de la physique quantique
peut être exposé par trois notions clé:
complémentarité, les 4 interactions et
le phénomène d'intrication. [Pour des
raison d'espace le phénomène d'intrication
n'est pas expliqué ici. Je mentionne seulement
le commentaire de Roger Penrose. Il dit
que: „Le phénomène d'intrication est une
chose très étrange. C'est une chose intermédiaire
entre des objets d'être séparés et d'être
ensemble". Roger Penrose, The Large, the
Small and the Human Mind,Cambridge University
Press 1999, p. 66].
La physique quantique a une longue histoire,
dans laquelle il n'y a pas été prouvé
d'une façon définitive si les plus petits
éléments de la lumière et de la matière
ont un caractère de corpuscule ou d'onde.
Nombreuses expériences soutenaient l'une
et l'autre supposition. Les électrons
et les photons se comportent parfois comme
des ondes et parfois comme des corpuscules.
Cela était nommé le dualisme d' ondes-corpuscules.
La conception du dualisme a été comprise
comme une dichotomie, une contradiction
logique. Selon la conception du dualisme
les électrons et les photons ne peuvent
pas être des corpuscules et également
des ondes. Ce sont des espérances et attentes
que nous avons liées à l'atomisme, car
dans le sens de l'atomisme une explication
scientifique consiste à réduire une chose
changeable à ses éléments constants ou
à des lois mathématiques. C'est cette
conception dualiste de base que l'atomisme
moderne a hérité de la science de la nature
des grecques: il n'y a pas de substance
et de permanence dans les objets de perception
dans le monde dans lequel nous vivons,
mais uniquement dans les éléments des
choses et dans l'ordre mathématique. Ces
fondements matériels et immatériels tiennent
le monde ensemble. Ils ne changent pas
tandis que tout est instable et changeable.
Selon les attentes de l'atomisme il doit
être possible de réduire un objet à ses
éléments indépendants ou à ses lois mathématiques
ou principes de base simples, selon lesquels
les systèmes fondamentaux doivent être
corpuscules ou ondes, mais non pas les
deux à la fois.
Que faut-il entendre par éléments indépendants?
Platon avait fait la différence entre
deux formes de l'être . Il distinguait
les choses particulières qui sont tout
ce qu'elles sont par participation et
qui pour cela n'ont pas un être propre,
et d'autre part les idées qui ont un être
propre . La métaphysique traditionnelle
a adopté cette division en deux parties
faite par Platon. Dans la métaphysique
traditionnelle un être propre et indépendant
désigne une entité qui n'est dépendante
de rien d'autre [Descartes], qui existe
de soi-même et par soi-même [More], qui
est complètement illimitée par d'autres
et libre de toute influence extérieure
[Spinoza], qui consiste pour soi-même
sans les autres [Schelling]. Albert Einstein
suivait cette tradition métaphysique quand
il écrivait: „Pour la classification des
choses qui sont introduites dans la physique
il est essentiel que ces choses demandent
a un temps précis une mutuelle existence
indépendante autant que les choses 'soient
situées dans différentes parties de l'espace'.
Sans la supposition d'une telle indépendance
de l'existence [des 'So-seins', de 'l'
être ainsi', de 'l' être sans rien'] des
choses distantes qui sont mutuellement
à distance, les idées physiques ne seraient
pas possibles dans un sens courant, mêmes
si l'origine de cette supposition est
issu de la pensée quotidienne".
Cette idée d'une réalité indépendante
était projetée par l'atomisme sur les
éléments fondamentaux de la matière. Une
explication scientifique repose dans son
sens sur la réduction de l'instabilité
et la multiplicité des objets et des états
à leurs éléments permanents, stables,
indépendants et indivisibles. Selon les
attentes des atomistes tous les changements
de la nature s'expliquent par la séparation,
l'union et par le mouvement d'atomes ou
d'éléments encore plus fondamentaux qui
sont inchangés et indépendants. Ces éléments
fondamentaux ou leurs lois mathématiques
constituent le noyau des choses, ils sont
le fondement de tout et ils tiennent le
monde ensemble. A savoir si les éléments
fondamentaux de la matière étaient des
corpuscules ou des ondes était un thème
explosif: Les conceptions traditionnelles
de la réalité que la métaphysique avait
mise à la disposition de la physique quantique
étaient en jeu. Il était possible que
la réalité fondamentale ne puisse pas
être saisit avec les conceptions traditionnelles
de la réalité. Quelle valeur d'explication
a l'atomisme s'il s'avère qu'il n'y a
pas d'atomes ou objets quantiques indépendants
et que les objets quantiques n'ont pas
de noyau stable? Est-ce-que les objets
étaient objectifs, subjectifs, les deux
à la fois, ni l'un ni l'autre? Qu'est-ce-que
la réalité? Le monde quantique est-il
différent du monde dans lequel nous vivons?
Niels Bohr. A partir de 1927 le
physicien Niels Bohr introduisait la notion
de complémentarité, selon laquelle les
images de corpuscule et d'onde ne représentent
pas deux images irréductibles, opposées
et séparées mais se complètent mutuellement
et donnent une description complète des
phénomènes physiques commun. La complémentarité
signifiait pour Niels Bohr qu'il n'était
pas possible dans le monde quantique de
parler d'objets quantiques indépendants
et objectifs parce qu'ils sont en corrélation
mutuelle et avec l'instrument de mesure.
Bohr soulignait que cette corrélation
entre l'objet quantique et l'instrument
de mesure était un élément inséparable
des objets quantiques parce qu'elle jouait
un rôle important pour la manifestation
de certaines qualités importantes des
objets quantiques : certaines mesures
fixent les objets quantiques en tant que
corpuscules. Ils déterminent l'état ou
la manifestation des objets et détruisent
l'interférence [dans ce cas on parle de
décohérence] qui caractérise les objets
en tant qu'ondes. D'autres procédés de
mesures les déterminent an tant qu'ondes.
Voilà en quelques mots la nouvelle conception
physique de la réalité de Niels Bohr.
De La découverte de la non-séparabilité
de l'objet quantique et l'instrument de
mesure Niels Bohr ne tirait pas la conséquence
instrumentaliste qu'il n'y a pas d'objets
quantiques, c'est du moins ce qu'il disait
dans son argumentation physique. Quand
il parlait au niveau métaphysique de la
physique quantique il adoptait une approche
instrumentaliste . D'un point de vue physique
la réalité physique fondamentale consistait
pour lui à une interaction des objets
corrélés.
L'Interaction dans le modèle standard
de la physique quantique orthodoxe Entre
temps la notion d'interaction était introduite
dans le modèle standard de la physique
quantique. Les 4 interactions élémentaires
empêchèrent de réduire les choses à leurs
éléments de base comme Démocrite l'avait
pensé. Aux éléments de base s'ajoutent
les 4 interactions, les forces qui agissent
entre les objets élémentaires. En tant
qu'éléments de base ils ne se sont pas
établis comme objets indépendants et isolés
mais en tant que des systèmes de deux
corps ou plusieurs corps ou des ensembles
de particules élémentaires. Entres ces
éléments agissent les interactions. Ce
sont les forces qui tiennent les éléments
ensemble . Ces forces sont une composante
des éléments. Elles sont souvent des forces
d'attraction mais parfois aussi des forces
de répulsion, surtout quand il s'agit
des forces électromagnétiques. On peut
s'imaginer les interactions entre les
particules élémentaires comme un échange
de particules élémentaires. Le physicien
Steven Weinberg écrit: „Aujourd'hui nous
nous approchons à une vue homogène de
la nature quand nous pensons dans les
notions de particules élémentaires et
les interactions entre eux [...]. Les
plus connus sont la gravitation et l'électromagnétisme.
Ils appartiennent au monde empirique à
cause de leur grande portée. La gravitation
maintient nos pieds sur le sol et les
planètes dans leur orbite. L'interaction
électromagnétique entre les électrons
et le noyau atomique est responsable pour
toutes les propriétés chimiques et physiques
de corps solides ordinaires, les liquides
et les gaz. Les deux forces de noyau appartiennent
à une autre catégorie en ce qui concerne
la portée et la familiarité: L'interaction
'forte' qui maintient les protons et neutrons
du noyau atomique a une portée de ca 10
-13 centimètre seulement. C'est pour cela
qu'elle se perd complètement dans la vie
quotidienne et même dans le domaine de
l'atome [10-8 centimètre]. Le moins familier
c'est l'interaction 'faible', qui a une
portée tellement courte [moins que 10-
15 centimètre] et qui est si faible qu'elle
ne peut maintenir ensemble probablement
rien du tout". Ce genre d'explications
entre jusqu'aux détails difficiles et
subtiles . Par exemple: comment un électron
qui n'est que partiel peut il faire une
interaction avec un autre objet quantique?
Quelle partie peut-il émettre quand il
est d'une seule partie? A cette question
on peut répondre par la conception de
l'interaction. Un électron ne se construit
pas par une seule partie, car l'interaction
de l'électron est elle-même une partie
de l'électron. Dans un article sur la
super gravitation, publié en 1978, les
physiciens Daniel Z. Freedman et Pieter
van Nieuwenhuizen écrivent sur ce thème
la chose suivante: „On peut par exemple
décrire la masse d'électron observée en
tant que somme d'une 'masse nue' et de
'self-energy' [auto-énergie], qui est
fondée sur l'interaction de l'électron
avec son propre champs électromagnétique.
D'une façon détachée aucun de ces éléments
n'est visible".
Ce que la physique quantique sait des
porteurs de l'interaction peut
être rendu brièvement avec les mots du
physicien Gerhard 't Hooft. Il
écrit ? qu'un électron est entouré par
un nuage de parties virtuelles qu'il émet
et absorbe d'une façon permanente. Ce
nuage n'est pas seulement formé de photons,
mais également de paires de particules
chargées, comme par exemple électrons
et leur antiparticules, les positrons"[...].
„Un quark est également entouré d'un nuage
de particules virtuelles, à savoir des
gluons et des paires de quark-anti-quark".
Des quarks isolés et indépendants n'ont
jamais été vus. Ce phénomène est nommé
'Confinement' par la recherche scientifique
récente, c'est à dire : quarks sont des
prisonniers, ils ne peuvent pas apparaître
seuls, mais uniquement comme paire ou
trio. Quand on cherche à séparer deux
quarks par la force ils se manifestent
entre eux, des quarks nouveaux s'unissent
par paires ou trios. Le physicien Claudio
Rebbi et d'autres scientifiques constatent
qu': "Entre les quarks et les gluons
à l'intérieur d'une particule élémentaire
se manifestent d'une facon permanente
des quarks et des gluons supplémentaires
qui se dissipent après un court de temps".
Ces nuages de particules virtuelles représentent
l'interaction ou établissent les interactions.
Nous sommes arrivés au centre de la physique
quantique. Elle nait d'une nouvelle
conception physique de la réalité.
Cette conception ne regarde plus les éléments
isolés et indépendants comme fondements
de la réalité, mais des systèmes de deux
corps ou de deux états des objets quantiques,
comme terre & lune, proton & électron,
proton & neutron, onde & instruments de
mesure, corpuscule & instrument de mesure,
photons de jumeaux, particule & champs
de force. Ce genre de système n'est pas
identiques, il ne n'est pas un, mais il
ne tombe pas en morceaux, il ne se laisse
pas réduire en deux corps ou états séparés
et indépendants dont l'un est fondamental
et l'autre dérivé, comme le cherche à
faire le schéma du substantialisme et
du subjectivisme. Il n'est pas une unité
d'ensemble sans soudure, il n'est pas
un tout mystique comme l'holisme le prétend.
On ne peut pas affirmer qu'il n'est rien
d'autre qu'un modèle mathématique que
nous construisons et à qui ne corresponde
à aucune réalité. Cette dernière affirmation
est avancée par le physicien Stephen
Hawking. Dans une discussion avec
Roger Penrose il dit: "Moi, par
contre, je suis positiviste – je pense
que les théories physiques ne sont que
des modèles mathématiques et qu'il est
vide de sens de demander si elles correspondent
à la réalité. A la rigueur on peut se
demander si elles peuvent faire une prédiction
des observations". Est-il vraiment vide
de ses de demander si une théorie corresponde
à une réalité? Aucunement. Car, quand
le modèle de penser est juste il y a une
ressemblance aux données qu'il reconstruit.
Autrement il serait possible de faire
des prédictions pour lesquelles il n'y
a pas d'explications rationnelles parce
qu'elles ne peuvent pas correspondre à
la réalité. Une grande partie des expériences
physiques est faite parce qu'on se demande
si une théorie corresponde à une réalité.
D'un point de vue physique une réalité
physique est une réalité fondamentale
qui n'est pas uns système d'un seul corps
mais plutôt un système de deux corps ou
un ensemble de corps, 'un nuage' de particules
virtuelles dont les corps sont entourés.
Entre ces corps il y a une interaction
qui est une composante de ces corps. Ces
découvertes physiques sont définitives
et incontestables. Et pourtant tous
nos concepts métaphysiques s'opposent
à cela. Ce nuage ne correspond pas à nos
espérances traditionnelles de ce qui représente
la stabilité, la substance, la permanence
et l'ordre et à ce qui doit être fondamental.
Comment des nuages peuvent être ce que
nous sommes habitués à considérer comme
les fondements de la matière? Comment
cette petite chose oscillante peu être
ce que des générations entières de philosophes
et de physicien ont cherché à analyser
pour arriver jusqu'au noyau des choses,
à une réalité ultime? Est- ce tout? N'y
a-t-il rien de plus? De ce nuage nous
voulons filtrer et faire ressortir par
une interprétation métaphysique ce qui
est durable, ce qui reste. C'est exactement
dans le sens de la métaphysique de substance
de Platon que Werner Heisenberg appelait
les formes mathematiques 'les idées de
la matière' dont les particules élémentaires
correspondaient. Carl Friedrich von Weizsäcker
appelait la mathématique 'l'essence de
la matière' et pour le physicien Herwig
Schopper les champs de force sont la réalité
ultime. Ou d'autre part nous voulons regarder
ces nuages comme un tout mystique [holisme].
Ou nous voulons écarter les nuages comme
une construction sans fondement [instrumentalisme].
Et pourquoi? Seulement parce que nous
ne pouvons pas admettre que les interactions
complexes du monde dans lequel nous vivons
sont sans fondements solides et stables.
Il est impossible de trouver un objet
élémentaire qui n'est pas dépendant d'autres
objets quantiques ou de ses propres composants.
Il est impossible de dissoudre la double
nature ou la multiplicité des objets quantiques.
La réalité physique fondamentale consiste
des nuages corrélés d'objets quantiques.
Les résultats
La réalité fondamentale n'est pas statique,
stable, dur et indépendante. Elle ne se
forme pas par des facteurs isolés, mais
plutôt par des systèmes de corps dépendants.
La plupart des systèmes se composent de
plus de deux corps mais il n'y a pas de
systèmes qui existent avec moins de deux
corps. Dans la physique quantique on appelle
ce genre de systèmes à deux corps: terre
& lune, électron & positron, particule
& champs de force. Nagarjuna appelle ses
systèmes marcheur & trajet parcouru, feu
& combustible, sujet voyant & objet vu,
cause & effet, acte & agent. Les deux
modèles décrivent des systèmes à deux
corps qui ne sont ni séparés ni vraiment
ensemble, ils ne s'unissent pas et ils
ne tombent pas en deux. Les corps ne sont
pas indépendants, ils n'existent pas d'eux-mêmes
et ils ne peuvent pas être observé d'une
façon isolée parce qu'ils sont dans leur
constitution et même dans leur existence
toute entière interdépendants et ne peuvent
pas exister et fonctionner indépendamment.
Ils sont maintenus ensemble par interaction.
On ne peut pas réduire un corps à un autre,
l'un ne peut pas être expliqué par l'autre.
Les corps ne sont pas identiques. Les
systèmes ont une stabilité fragile qui
est basée sur des interactions et des
dépendances mutuelles de leur corps qui
sont souvent connues, même si certain
ne le sont que partiellement et d'autres
ne le sont que dans un stade très peu
avancés [comme par exemple chez les photons
jumeaux ou dans la relation conscience
& cerveau].
Qu'est ce que la réalité?
Nous sommes habitués à avoir une base
solide sous les pieds et de voir des nuages
fugitifs au ciel. Le concept de réalité
de la philosophie de Nagarjuna et les
concepts physiques de la complémentarité
et des interactions dans la physique quantique
nous enseignent une autre histoire: Tout
est bâtit sur le sable et même les grains
de sable n'ont pas de noyau stable. Leur
stabilité est basée sur les interactions
instables de leurs éléments fondamentaux.
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